Départ de Chateau-Suif

La Fière Aubergine avait quitté Château-Suif la veille au soir. Tulia était partie très tôt se coucher, les événements de la veille l’ayant légèrement chamboulée. Au petit matin, elle s’éveilla dans sa couche, ballottée par les mouvements du navire et repensa tout naturellement à ce qui s’était passé dans la grande bibliothèque.

Le sacrifié.

Ce mot résonnait dans son esprit, encore et toujours. Tulia était partie de chez ses parents depuis une dizaine d’années maintenant. A l’époque, elle voulait vivre plein d’aventures, elle avait soif de connaissances et de combats épiques, elle voulait échapper à un avenir tout tracé. Une adolescente comme tant d’autres. Foutaises. Tout ce qu’elle avait fait c’était foncer vers son destin. Elle avait cherché à fuir la monotonie ? La voici servie.

Le sacrifié.

Elle avait rencontré Tara, Bral, Xiltyn et Thog quelques mois auparavant et elle avait parfois l’impression d’être une pièce rajoutée à la compagnie. Ils se connaissaient depuis plusieurs années, avaient vécu ensemble des événements qui les avaient rapprochés et qui avaient fait d’eux un groupe soudé et prêts à mourir les uns pour les autres. Elle était loin de tout ça. Certes, elle les appréciait bien plus que n’importe qui, ils l’avaient accueillie, donné un foyer, lui avaient même sauvé la vie une fois ou deux, et pourtant, elle se sentait à l’écart, elle cherchait encore sa place.

Le sacrifié.

Voilà quel était son destin, la raison de sa présence dans le groupe. Tulia devrait se sacrifier pour qu’ils vivent et accomplissent la prophétie. Ils vivront, elle mourra. C’était écrit, c’était chanté, elle l’avait entendu de ses propres oreilles, et elle ne pouvait rien y changer. pendant des années elle avait vécu dans l’insouciance, se laissant porter par les événements, vivant au jour le jour, et à présent, elle voyait la fin. Elle savait que tout s’arrêterait , qu’elle devait l’accepter au plus tôt pour remplir sa mission, avancer et faire ce que l’on attendait d’elle. L’idée de fuir lui traversa l’esprit. Monter sur le pont et prendre son envol, se laisser porter par les courants d’air chaud jusqu’à la terre ferme et tout oublier, repartir de zéro et laisser des personnes plus qualifiées décider du sort du monde. Oui, elle pensa vraiment à s’enfuir pendant une longue seconde avant de rejeter l’idée en bloc. Elle ne pouvait pas partir. En son âme et conscience, elle se battait pour le bien et refusait la lâcheté. Elle devrait se battre et mourir pour ses compagnons ? Qu’il en soit ainsi.

Le sacrifié.

Si tel était son destin, elle l’acceptait, elle suivra la prophétie, pour ses compagnons.